Une vie en plus (Story)


Histoire écrite pour le concours de nouvelles policières sur le thème de "GAME OVER".
(attention cette histoire est plus "glauque" que les autres ^^')

Une vie en plus.

Je le sens. Couler le long de mon bras. Retraçant presque chacune de mes veines. Leur donnant l'impression d'être écarlate.
« Que c'est beau. »

Je me souviens, je n'étais pas un enfant très bavard, retenu par une mère possessive.
Elle m'aime beaucoup.
Elle avait peur que je la laisse, comme papa. Alors elle me gardait près d'elle. Ça ne me dérangeait pas. Je l'aime et j'avais de quoi m'occuper.
La maison était remplie de livres d'histoires, surtout sur la mythologie. Je crois que maman travaillait dans ce domaine, mais c'était avant qu'elle ne sache...
Il y avait aussi Eddy, mon rat domestique. Il était toujours de bonne humeur et plein de vie, on s'amusait bien tous les deux. Je n'avais donc pas à me plaindre.
Certes, je n'avais plus de père, mais il était gentil avec moi, il me lisait des histoires, et parfois on jouait au basket. Maman me disait que c'était un connard, alors je la croyais !
Elle a toujours raison.
Je savais qu'il était parti après s’être disputé avec maman, à propos d'une autre femme, du caractère de maman. Qu'il n'en pouvait plus de la voir sombrer sans accepter l'aide des autres, alors il avait disparu.
Parfois, il appelait à la maison, je savais qu'ils parlaient de moi. Maman disait qu'elle voulait me garder, puis elle raccrochait. Elle s'approchait alors de moi et me prenait dans ses bras, elle me demandait de ne pas l'abandonner. Je ne disais rien. Je lui répondais en la serrant contre moi.

J'aime l'odeur de maman, elle est fruitée. C'est le mélange de toutes ces bouteilles de vin qu'elle boit. Je l'embrasse sur la joue. Le goût y est salé, ça contraste avec son parfum. C'est sans doute à cause de toutes ces larmes qu'elle verse après avoir étanché sa soif.

Ça lui arrivait souvent de venir me voir pour me faire un câlin, et juste après elle s’enfermait dans sa chambre, pendant plusieurs jours. J'avais l'habitude, je savais me débrouiller.

Qu'elle est belle habillée de rouge, dans son sommeil éternel. Bientôt elle pourra renaître, lorsqu'elle sera en moi. Je ne sais par où commencer. Si je buvais d’abord, pour me mettre en appétit. Avant que tout ne soit gaspillé, répandu sur le sol.
« Que c'est bon. »

Malgré tout, je ressentais la tristesse de ma mère, et je voulais lui venir en aide. Je lui faisais à manger tous les jours, et je lui apportais dans sa chambre. Elle dégustait. Je la regardais, heureux. Lorsqu'elle avait fini, elle me rendait la vaisselle et je sortais. J’aurais aimé faire bien plus pour elle, même les médecins ne pouvaient pas la sauver...

Un jour, alors que je lisais l'un des nombreux livres de maman, j'ai découvert quelque chose qui pourrait bien répondre à mon problème. Il parait que certains peuples disent avoir trouvé le secret pour rallonger la vie d'un individu.
Lorsqu'il y avait des guerres, ils ramassaient les cadavres, alliés comme ennemis, les ramenaient à leur tribu, pour ensuite les dévorer. Ils récoltaient ainsi l’espérance de vie de leurs victimes, leurs capacités physiques et intellectuelles.
Voilà ! C'était peut-être ça, la solution, le moyen de sauver ma mère. Il fallait maintenant que je trouve le sacrifice qui lui permettrait de vivre.

Je me souviens ne pas avoir réfléchit très longtemps.
Il était à coté de moi, en train de couiner de joie face à sa nourriture. Eddy. Il était vivace, toujours joyeux et de bonne humeur. Il était parfait. Grâce à lui, je suis sûr que ma mère se sentirait mieux.

Il ne lui fallut pas longtemps avant de mourir. Le son de ses petits os craquant sous mes doigts résonne encore en moi comme une douce mélodie.
Il ne bougeait plus. Il était adorable, apaisé, bien plus qu'il ne l'avait été dans sa courte vie. J'aurais voulu le garder ainsi, mais je me devais d'aider ma mère.
Je lui ai donc servi le soir même, au dîner, sans rien lui dire: C'était une surprise.
J'ai continué ainsi pendant plusieurs jours, une souris, un chat errant, tout ce qui me paraissait assez vigoureux pour redonner de la vie à celle qui est tout pour moi.
Ça n'eut que peu d'effet, malheureusement. J'ai même eu l'impression que c'était pire. J'avais beau lui avoir trouvé toutes ces vies, cette énergie, rien n'y faisait.

Le liquide sacré bascule dans ma gorge jusqu'à m’envahir, laissant un petit goût métallique sur ma langue. J'en frissonne de plaisir. Que c'est bon de sentir cette vie se propager dans mon corps, me donnant plus de force.
« Je prend ta vie. »

Elle a encore eu une crise, la pire de toutes. Je reste planté au milieu du salon, droit comme un "i", à la fixer pendant qu'elle brise le moindre bibelot en le jetant  par terre, qu'elle éventre les coussins. Elle a beau dévaster la maison tel un ouragan, je ne bouge pas! Je n'aime pas son visage dans ces moments. Il est déformé, presque horrible, pourtant qu'est ce qu'elle peut être belle lorsqu'elle dort. Heureusement, c'est ce qu'elle fait la plupart du temps.
Soudain, elle s'arrête. Elle commence à me fixer. Je pense que me voir l'observer ainsi sans réagir la dérange.

« -Qu'est ce que tu as à me regarder ainsi? Me crie- t- elle. Tu dois me prendre pour une folle ! »
Non, je m'inquiète.
«-Tu as honte de ta pauvre mère? Avoue ! »
Je t'aime trop pour cela.
« -Ahah,  ton silence en dit long. »
Je suis si heureux d'avoir pu te faire rire.
« -Tu n'as jamais été très bavard, mais maintenant c'est pire, je ne sais pas à quoi tu penses. Et ça m’énerve. »
Désolé maman, c'est parce que parler ne fait qu'augmenter ta peine. Je le sais, je l'ai bien vu avec papa.
«-Mais tu ne me regarderas bientôt plus de haut comme tu le fais ! »
Ce n'est pas ce que je fais, tu te trompes.
«-Tu crois que tu peux y échapper ? Toi aussi tu mourras, tout comme moi ! Ta vie est juste plus longue que la mienne, mais tu es mon fils, alors tu finiras comme moi ! »

Sur ces mots, ma mère me laisse, seul dans le capharnaüm qu'elle a provoqué. Je me mets à ranger, tout en ressassant ses derniers mots.
Moi aussi, j'allais mourir. Si ma mère le disait c'est que c'était vrai, elle a toujours raison. Ma vie était plus longue que la sienne. Les animaux n'avaient eu aucun effet... Mon seul souhait est de voir ma mère en vie et donc heureuse...
Ce soir, le sacrifice, ce sera moi.

Je suis allé chercher un couteau dans la cuisine, et me suis dirigé vers la chambre de ma mère. Je suis bien, car grâce à moi, elle ira mieux.
« -Maman ? » 
Elle sursaute en se retournant ! Il est vrai qu'elle ne m'a plus entendu parler depuis longtemps. Je m'approche calmement, pendant qu'elle me fixe, comme si j'étais un inconnu. Je lui tends alors le couteau.
« -Prend ma vie Maman, comme ça, tu pourras allonger la tienne, dis-je sans la moindre expression dans la voix. » 
Ma mère se met à pleurer et me prend dans ses bras, comme à son habitude, accompagnée de son odeur fruitée. Elle m'a toujours dit qu'elle me voulait près d'elle, et de cette façon, nous ne nous quitterons plus jamais.
« -Je suis désolée, je ne voulais pas dire ces choses horribles tout à l'heure, dit-elle en sanglotant dans le creux de mon cou. Je ne veux pas que tu partes, je veux rester près de toi pour toujours. Tu es tout ce qu'il me reste, s'il y en a un qui doit donner sa vie à l'autre, c'est moi. Je veux que tu vives que l'on reste ensemble... 
-Tu as toujours raison maman, et je ne veux que ton bonheur. »

Ma mère se fait de plus en plus lourde sur mon épaule, à tel point qu'elle finit par s’effondrer.
Une marre rouge commence à s’étendre tout autour d'elle, le même rouge écarlate qui recouvre maintenant le couteau que je tiens dans les mains.
Je vais mourir, maman l'a dit, mais elle veut que je vive, elle veut me donner sa vie, que l'on reste toujours ensemble. C'était la meilleure façon de réaliser son souhait.
Elle a toujours raison. La preuve, là tout de suite, elle est heureuse. Elle dort, le visage paisible, coloré de pourpre.

« Que c'est beau. »

J’ai réussi. Ma mère est en paix, et elle vivra bientôt en moi pour toujours et on sera ensemble à jamais, comme elle le voulait. Que la pâleur de ton corps est belle sous la douce lumière de cette fin de soirée d'été. Tu n'as jamais été aussi belle. Tu n'as jamais semblé aussi apaisée, heureuse. Je veux en profiter avant que tu ne disparaisses dans les tréfonds de mon âme. Je m'allonge alors près de toi, dans ton bain vermeil, et souris.
Quand est ce que tout cela a commencé ? Quand est ce qu'un corps froid a commencé à me donner autant de chaleur ? Je devais être encore jeune, je crois...

« Que c'est bon »

Je dévore ta chair avec délectation. Pour gagner ta vie, il faut que ton cœur, ton âme et ton corps soient en moi. Seulement ça ne suffira pas. Comme tu me l'as dit, je vais mourir, et toi aussi, tu allais mourir. Même si tu es ma mère, la vie que tu m'as donnée était courte, et allait prendre fin.
Il m'en faudra plus, beaucoup plus, pour vivre comme tu le souhaitais.

« Je prend ta vie. »

Mais elle sera toujours là...

FIN ?

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